mardi 20 mars 2012

monographie du blanc (Clélia Valin-Guénégo)

    Le blanc est l'une des couleurs les plus anciennes, et est source de nombreux symboles forts et universels, tels que la mort et la vie (paradoxe entier). Issu du germanique « blank » qui signifie brillant, clair, pâle, ce terme a donné dans les langues latines « blanco » (espagnol), « branco » (portugais), « bianco » (italien) et bien sûr « blanc » ; dans les langues anglo-saxonnes, l'origine est « weiss » ou « wiz ».
    Source de nombreux débats, le blanc pose une question importante : est-ce une couleur ou une valeur ? En considérant le blanc comme une valeur, on prend le point de vue suivant : le blanc est un mélange lumineux équilibré des trois couleurs primaires. Cependant si aujourd'hui on considère le blanc comme une « non-couleur » c'est parce que « l'imprimerie a introduit une équivalence entre l'incolore et le blanc, ce dernier se voyant alors considéré comme le degré zéro de la couleur, ou comme son absence »[1]. Aujourd'hui, la majorité des physiciens reconnaisse à nouveau le blanc comme une couleur. Cependant nos histoires différentes, nous ont conduits à avoir des différences de degré d’interprétation : au Japon, le blanc est beaucoup plus brillant qu'en Occident. De même, dans la civilisation eskimo il existe plus de 70 mots pour qualifier le blanc.
    Du fait de son ancienneté et son universalité, le blanc est donc source de moult symboles. Dans la majorité des civilisations, le blanc est comparé à la pureté et à l'innocence, et par extension à la virginité, à la sérénité, à la paix, car il est associé à des sentiments d'homogénéité et d'union. La neige a renforcé ces impressions en revêtant uniformément et de manière monochrome les paysages. De plus, dans les civilisations occidentales, le blanc est également associé à la spiritualité et à la vie ; le dieu chrétien est perçu comme une lumière blanche, les anges et la vierge sont revêtus de blanc afin de « montrer la force de leur pureté »[2]. Cependant le blanc est également vécu comme un immense paradoxe : symbole de l'innocence et du berceau, le blanc est également comparé au grand âge, à la sagesse, à la mort, au linceul ; d'ailleurs dans les civilisations asiatiques et africaines, le blanc est la couleur du deuil.
    Suite à toutes ces équivalences symboliques, le blanc est devenu durant certaines époques un véritable enjeu social occidental : durant des siècles, les nobles se devaient d'avoir une peau blanche afin de montrer leur différence vis à vis des roturiers. Puis dans la seconde moitié du XIXème siècle, la tendance s'est inversée : les riches allaient à la mer, tandis que les pauvres restaient travailler dans les usines. De plus, toute la symbolique rattachée à cette couleur a longuement flatté l'orgueil européens, mais en Afrique et en Asie le teint blanc est vu comme étant maladif, symbole de morbide. En Asie, on considérait que « l'homme blanc européen avait un teint si morbide [qu'il était] réputé sentir véritablement le cadavre ».
    Le blanc a également une place importante dans le domaine de l'Art ; nombre de plasticiens, mais aussi d'écrivains, de cinéastes, d'architectes..., ont interprété cette couleur. Arthur Rimbaud, qui considérait que les voyelles avaient des couleurs, le E était blanc ; Balzac associait le blanc à l'âme. Pour Van Gogh « le noir et le blanc ont leur raison d’être et leur signification, et quiconque s’y soustrait n’arrive à rien »[3], et Kandinsky [a] disait que « Le blanc sur notre âme agit comme le silence absolu… Ce silence n’est pas mort, il regorge de possibilités vivantes. ». L'architecte Richard Meier [b] en a fait une marque de fabrique, tous ses édifices sont plus ou moins teintés de blanc. Un client de Richard Meier a même déclaré : " ce blanc omniprésent, me rend dingue !". Dirk Winkel [c], designer allemand, a également travaillé sur l'utilisation du blanc dans des ré-interprétations afin de montrer le côté intemporel, voire immatériel, de certaines icônes du design. De plus les expérimentations plastiques sont nombreuses, que ce soit le Carré Blanc sur Fond Blanc de  Malevitch [d], les Aliments Blancs de Robert Malaval [e], la série Whites d'Olivier Mérijon [f] ou les séries de Roman Opalka [g].
    Le blanc est donc une couleur dotée de multiples symboles plus ou moins paradoxaux : la vie, l'innocence, la pureté, la virginité, mais aussi la vieillesse, la sagesse, la mort. Puis ces symboles sont devenus des enjeux sociaux conséquents pour les classes aisées de l'occident, ainsi que des interprétations relevant plus ou moins de rumeurs. Aujourd'hui, le blanc est une source d'inspiration importante dans le monde de l'art, et plus particulièrement dans le domaine des arts plastiques.


[1] interview de Michel Pastoureau, par LEXPRESS.fr, publié le 19/07/2004
[2]citation du journal chrétien
[3]source http://www.abcnaturopathie.com/wordpress/?p=147

[a] Trente de Wassily Kandinsky












[b] Modern White Beach House de Richard Meier






[c] Stacking Hommage de Dirk Winkel





[d] Carré Blanc sur Fond Blanc de  Malevitch










[e] Aliments Blancs de Robert Malaval


















[f] Whitesd'Olivier Mérijon 
















 [g] séries de Roman Opalka