Les années déclics est un film du photographe Raymond DEPARDON. Il y retrace sa vie de 1957 à 1977 par des photos, films et reportages en noir et blanc. Son film est mis en œuvre manuellement. Une bande de photos accolées qu’il déplace lui-même est projetée sur un grand écran. Lui, est éclairé par un projecteur, on ne voit que le haut de son visage. En défilant sa bande, il commente. On entend et on ressent même le bruissement de la bande qui glisse. Il commente ses photos par des phrases courtes, simples, sobres. En visionnant ses premières photos, premiers films, premiers reportages ; les images de sa famille, ses amis, les stars…, on ressent en lui des regrets, de la mélancolie. Parfois, il bafouillait car ses émotions étaient trop fortes. Ce film était « du vrai direct » (selon Depardon).
Au départ, j’étais stupéfaite. Son discours était cousu de phrases courtes et quelque fois sans aucun commentaire. De plus, il y avait cette émotion quand il revoyait ses photos. Il semblait pudique, assez solitaire. « Peut-être que je ne suis pas fait pour être en groupe ». A un moment, il nous présente son frère. Un portrait encadré nous est montré au-dessus d’une tête de lit. En l’espace d’un instant j’ai cru que son frère était décédé pendant son enfance. En fait, Raymond Depardon nous fait entrer dans son petit monde, son intime, ses bonheurs comme ses expériences tragiques. Il les relate avec la même intensité. C’est assez perturbant car il les rejette comme il les aime. Puis, on dit de lui, qu'il est un chasseur d’images. Je trouve que ce nom est adéquat pour ce qu’il fait. Il réussit à attraper les mouvements des gens, leurs expressions (leur amusement, leur cri, leur concentration, leur ironie). Il y a une intention de montrer la vérité toute nue. Dans ses reportages, rien n’est coupé, « enjolivé ». En visionnant ces longs « plans-séquences », on ressent mieux les choses. Elles deviennent plus percutantes.
Après qu’il nous ait fait découvrir sa vie, son intime, je me suis sentie à la fin du film, bouleversée. En l’espace d’un instant, j’ai cru que « mon futur » était dicté. Partir, voyager, voir du pays… et quand il est venu à l’évocation de nos proches disparus, il m’a semblé comprendre ce goût amer qu’on a dans la bouche. On réfléchit et finalement, on se rend compte qu’on ne les connaissait pas si bien que cela. Raymond Depardon arrive à remettre en cause nos certitudes, nous questionner sur notre vie, sur nos actions, engagées ou non, mais également par rapport aux relations avec nos proches ou aux inconnus.
Le 14/11/2007
Virginie CHAUVET
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